Le commentaire de Luther sur la Genèse (1535-1545) marque une évolution notable en affirmant la pleine égalité d’Adam et Eve comme image de Dieu. La domination de l’homme sur la femme n’est plus liée à un défaut inhérent à la création de la femme, elle n’est que conséquence du péché et de la chute, et donc sauvée en Christ. Dans son commentaire de Gn 2,18, Calvin rejette une supériorité de l’homme, mais n’en reste pas moins ambigu en parlant de la femme comme son « complément ». Les Réformateurs restaient tributaires des affirmations de leur culture. Si les différents mouvements de la Réformation laissèrent place à la parole de quelques femmes (Marie Dentière à Genève), voire même à leur prédication (Katharina Zell à Strasbourg), c’est parce qu’on leur accordait l’esprit prophétique et non une parole publique. De même, les Eglises de type évangélique valoriseront les charismes de l’Esprit pour permettre à certaines femmes de sortir des rôles traditionnels, du moins à une époque de naissance et d’expansion des Eglises.
Le protestantisme forgea une image de la femme comparable à l’épouse du pasteur : non pas vierge ou mère chaste, mais mère de famille et compagne travailleuse, loyale, exigeante et incorruptible.
Les Eglises luthériennes et réformées privilégièrent la lecture historico-critique de la Bible, qui empêche une approche littéraliste des textes fondateurs et qui permit d’éviter de restreindre l’apport des femmes à des « rôles » liés à la « nature » féminine.
En l’absence d’instance décisionnelle mondiale centralisée, chaque Eglise décide de ses orientations dans son synode, pour sa culture et son contexte, pour un témoignage lié à sa société. Elles ne mettent pas en avant l’obéissance à la tradition millénaire, mais la liberté accordée par l’Evangile. C’est pourquoi à partir du 20e siècle l’accès des femmes au ministère pastoral devint possible, d’abord par des situations d’exception pour des femmes formées et mandatées, puis officiellement. L’accès aux instances décisionnelles ne survint que plus tardivement, malgré leur grand engagement paroissial.
Elisabeth Parmentier
Professeure en théologie pratique à l’Université de Genève