Chamanisme au Népal
Chamanisme au Népal Voyage au cœur d’une tradition vivante Mardi 8 octobre à 18h30 A...
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Chaque mur se lit comme une page de livre. Interview des scénographes
Scénographes du nouveau MIR, Simon de Tovar & Alain Batifoulier du Studio Tovar (Paris/Lille) œuvrent régulièrement dans des musées historiques (maison Victor Hugo, Musée d’histoire du judaïsme…) et ont conçu plus de 200 expositions (Petit Palais, Musée des Armées, Musée Carnavalet). Leur créativité combinée a renouvelé de fond en comble la muséographie du MIR. Explications.
Quels sont les défis de cette nouvelle scénographie ?
Simon de Tovar : Pour évoquer l’histoire de la Réforme, avec les contenus riches et fouillés dont dispose le Musée, nous avons proposé de choisir des thématiques. Nous tenons à ce que chaque question puisse être traitée à travers une diversité d’objets. Après analyse des surfaces disponibles, le musée a opéré une sélection de pièces. Les œuvres exposées constituent désormais le point d’entrée de la visite, appuyées par différents niveaux de lecture et de médiation.
Alain Batifoulier : Il nous fallait aussi concilier le respect du bâtiment et les exigences d’une exposition dans un espace exigu, sans dénaturer la maison Mallet. Nous avons donc proposé des « floating-rooms », sorte de seconde peau sur les murs. Ces structures amovibles qui supportent des vitrines permettent de gagner en surface d’accrochage. Et ceci sans porter atteinte au parquet historique, et tout en laissant entrapercevoir les boiseries d’origine. La Maison Mallet a été respectée. Le sous-sol a lui été totalement déshabillé pour agrandir les espaces et les rendre plus lumineux.
Comment avez-vous construit la progression ?
A.B : La collection Barbier-Muller a été la pièce maîtresse dans le dessin du parcours, ses 140 documents ne pouvaient être exposés séparément. Nous sommes partis de ce défi, en proposant une mise en scène qui s’adresse aux passionnés de bibliophilie comme aux non-spécialistes. Puis nous avons choisi la salle la plus appropriée pour cet ensemble, qui a défini la circulation générale.
S.d.T : Le cheminement est historique et thématique. On se déplace à travers un parcours chromatique très tranché qui nous permet de comprendre chaque changement d’univers. L’itinéraire se veut ludique et attractif, tout en restant cohérent : le bleu introductif est tiré du portrait de Luther par Cranach, le rouge évoque la violence dans la pièce des guerres de religion… Enfin, les contrastes sont nombreux : on démarre ainsi avec des œuvres du XVIe siècle, mais à la fin, le visiteur se retrouve face à une installation vidéo très punchy, qui questionne la notion de Réforme et de protestation.
Comment se lit chacun des espaces ?
S.d.T : La scénographie est graphique, structurée par plusieurs niveaux de lecture. Un titre nous dit dans quelle partie on se trouve, comme dans un ouvrage. Pour chaque thème, par exemple l’expansion du protestantisme, on retrouve des acteurs, des écrits, des pratiques, accompagnés de citations ou d’illustrations qui apportent un éclairage complémentaire, une compréhension différente. Des textes thématiques offrent une lecture plus approfondie, et avec les cartels, un titre pour chaque pièce. Chaque mur se lit comme une page de livre, le but étant de fabriquer une image forte dans la mémoire du visiteur.
A.B : Notre devise est « savoir donner à regarder ». Nous avons conçu chaque salle comme un espace intimiste, accentué par la présence de tapis. Nous voulions créer l’ambiance d’un cabinet de curiosités, communiquer une sensation de privilège de se voir raconter quelque chose de l’histoire du protestantisme. Chaque objet exposé résonne en écho à un ensemble plus large, et se relie à d’autres par des champs de force. Par exemple les portraits de Luther et de Calvin qui se font face dès l’entrée créent quelque chose de très fort.
Quelle liberté vous a offert le MIR dans votre travail ?
S.d.T : L’inspiration d’un lieu nous vient de l’esprit et de l’histoire racontée par le commissaire d’exposition ou le directeur du musée. Gabriel de Montmollin nous a apporté des clés de compréhension limpides, et nous a ouvert les portes vers une expression non conventionnelle. C’est assez rare et formidable pour nous scénographes de pouvoir explorer autant de voies sur un sujet aussi sérieux. Au final, tout ce dont nous avions rêvé a pu voir le jour !
A.B : La collection très riche du MIR nous a offert un mélange d’objets très intéressant à muséographier. D’habitude, conservateurs et historiens établissent une liste de pièces ; ici nous avons été associés aux échanges. Ces communications avec le comité scientifique et l’équipe du musée ont été passionnantes et nous ont permis d’avancer tous dans la même direction, une très belle démarche.
L’inclusivité est aujourd’hui une thématique centrale,
comment l’avez-vous prise en compte ?
S.d.T : La médiation fait appel aux technologies digitales à plusieurs niveaux : audio-guides en dix langues et en braille, mais aussi œuvres animées, carte digitale qui illustre l’expansion du protestantisme, vidéos créées par des artistes….
Cette intégration technologique ne se fait cependant pas au détriment du confort de la visite ou du sujet traité. L’enjeu est d’apporter un approfondissement pour certains, une entrée en matière pour d’autres. Mais nous souhaitions tout autant éviter que le visiteur soit en permanence plongé dans les écrans, qui nous envahissent par ailleurs au quotidien.
A.B : La circulation des personnes à mobilité réduite est quant à elle pensée tout du long, que ce soit par la hauteur des vitrines, l’inclinaison des textes, leur taille qui doit rester lisible, leur éclairage. Il s’agit d’obligations légales, mais aussi de détails auxquels nous sommes toujours très attentifs.
Interview filmée des scénographes :